Biotechnologies et valorisation des coproduits

Publié le 30/09/2020 | Co-produits

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Lors de ce deuxième atelier innov’agro de l’année, il a été question de biotechnologies et donc de fermentation, d’enzymes, de bioprotection, et aussi de valorisation de coproduits… Car, si les biotechnologies ont démarré dans l’alimentation, principalement sur les applications dans la fabrication du pain et des yaourts, elles sont aujourd’hui partout : des semences, aux produits finis et leurs emballages, en passant par l’élevage, la culture, la transformation et la formulation. Stéphanie Guillotin, chef de projets Biotech & produits biosourcés a dressé un panorama de toutes les biotechnologies investiguées par Biotech & Santé Bretagne*, puis des particularités de la valorisation des coproduits. Jérôme Mounier, enseignant-chercheur à l’ESIAB (UBO) et responsable du groupe axe fongique au LUBEM*, a explicité la bioprotection.

Biotechnologies en agroalimentaire : les enzymes

Le génie enzymatique a des applications dans de nombreux domaines : pour une meilleure stabilité des jus de pommes ou des cidres, la production d’arômes, dans la fabrication des fromages, pour l’attendrissage des viandes bovines et, en matière de coproduits, pour la récupération des restes de viandes, sur les os, ou des peaux et arêtes, sur les poissons. Les enzymes ont l’intérêt de diminuer les coûts et les quantités nécessaires de matières premières et d’énergie. Il existe plusieurs milliers d’enzymes dont environ 50 produites à l’échelle industrielle. Les enzymes à façon impliquent la production en interne…

La fermentation

La fermentation est le développement de microorganismes vivants : bactérie, levure ou moisissure. Elle permet une meilleure qualité sanitaire, une conservation optimisée, en permettant de stocker des produits saisonniers et elle a des bénéfices en matière de santé : nutriments, digestion, fonctions métaboliques et immunitaires… Ses applications couvrent la fabrication d’aliments (produits laitiers, panification choucroute…), la production de métabolites (exhausteurs de goût, aspartame, arômes, antioxydants, ferments…) et la biopréservation. Hormis les 3500 produits fermentés les plus connus que sont les produits laitiers, pains, choucroutes, cidres, bières ou boissons distillées, on trouve aussi les saucissons, le nuoc man, l’olive, le concombre. Et, parce qu’ils ont l’image de produits plus naturels, plus sains, moins sucrés, meilleurs pour la santé, moins transformés, et avec un aspect artisanal, plus traditionnel, des produits connaissent depuis récemment un engouement : le kéfir de fruits, le kombucha, les légumes lacto-fermentés…

La bioprotection (ou biopréservation, bioconservation) des aliments

La bioprotection et un enjeu majeur du développement durable, au regard des pertes et gaspillages alimentaires dus à la conservation des aliments. Ils atteignent 1,3 milliard de tonnes d’aliments chaque année dans le monde, dont un tiers, chez les consommateurs, dans les pays industrialisés. La bioprotection permet également d’améliorer la sécurité sanitaire et les qualités organoleptiques dans la durée. Elle peut être complémentaire ou une alternative aux technologies existantes et répondre alors à la demande sociétale de naturalité (cf. Meet’in agro sur le sujet du clean label). La bioprotection recouvre des méthodes préventives qui empêchent la (re)contamination des aliments au cours du process de fabrication (intégration dans HACCP, par exemple), et des méthodes de maîtrise pour inactiver, inhiber ou retarder la croissance des microorganismes. Sont utilisés des traitements physiques (chaleur, froid, mise sous vide…), par agent chimique (salage) ou biologique. La bioprotection en fait partie au même titre que la fermentation. Mais si l’intérêt pour la maîtrise de l’altération s’est accru, il n’existe pas de solution optimale pour tous types de produits, y compris dans un même domaine comme celui des produits laitiers.

L’étiquetage de la bioprotection

La bioprotection modifie les produits fermentés ce qui impose de mentionner « ferment » comme ingrédient. En ce qui concerne les produits non fermentés, elle n’agit que sur la conservation et l’étiquetage en tant que « ferment » est également désormais possible : sachets de salades, saucisses sous vide, crevettes sous vide, etc. Mais la législation reste floue quant à l’inscription en tant qu’additif, que les démarches vers le clean label visent à réduire. S’agissant de produits non fermentés, la question est complexe, en particulier quand sont concernés des produits frais sur lesquels des ferments peuvent être naturellement présents.

Les coproduits et leur valorisation

Suite au Grenelle de l’environnement en 2012, il est désormais obligatoire pour tous les professionnels de trier ses biodéchets, ceux-ci étant devenus une ressource à ne pas gaspiller., et selon différentes études, ils représentent entre 3 et 61 millions de tonnes, Dans les industries agroalimentaires en France engendrant plus de 800 000 tonnes en équivalent d’extrait sec, dans 5 domaines majeurs : la viande, les fruits et légumes, les boissons, les produits laitiers et la transformation des produits de la mer (cf. des exemples avec Food Heroes). A elle seule, la Bretagne produit 1,4 million de tonnes de matières brutes générées en biodéchets, provenant principalement des abattoirs (52%), de l’industrie laitière (25%), de la transformation et de la conserverie des fruits et légumes (11%), les autres domaines représentant moins de 4%. Ces coproduits sont principalement utilisés en alimentation animale et en épandage, avec une valeur ajoutée plus faible qu’en petfood et en alimentation humaine. La plus forte valeur ajoutée provenant des secteurs de la cosmétique, nutraceutique, pharmacie ou des aliments fonctionnels.

Les coproduits des fruits et légumes

Dans ce domaine on distingue la production légumière et fruitière, d’une part, et la transformation, d’autre part. La production primaire génère 172 000 tonnes de coproduits : écarts de tri, pelures, feuilles et racines. Mais ils sont peu valorisables car le plus souvent de piètre qualité, disséminés partout en Bretagne ou difficilement extractibles. A titre d’exemple, Agrival utilise les écarts de tris de tomates pour produire du jus de concentré de tomates. Quant à la transformation elle-même, comme elle s’approvisionne de plus en plus en produits prêts à l’emploi (parés), les coproduits générés baissent d’autant.

Les coproduits de la mer

La filière Mer en Bretagne génère 31 000 tonnes de coproduits dont 61% sont valorisés en alimentation pour animaux, 27% en petfood humide et 12% en alimentation humaine. En biotechnologies, les coproduits générés servent à l’alimentation humaine et animale (petfood, aquaculture), avec la recherche d’une amélioration de la qualité, des saveurs, la réduction de sel, une meilleure digestibilité des produits protéinés (aquaculture) et appétence. Ils peuvent, par exemple être utilisés pour produire des arômes à l’image de la valorisation du crabe vert.

A noter, en Cornouaille, la production d’huiles extraites de coproduits de poissons de Polaris, ou les actifs nutraceutiques d’Abyss Ingrédients. Cette dernière développe le projet d’un ingrédient innovant pour le « bien vieillir », en partenariat avec la conserverie Chancerelle, SPF Diana d’Elven, l’UBO et l‘Inrae Bordeaux-Aquitaine, avec le soutien des pôles de compétitivité Pôle Mer Bretagne Atlantique & Valorial.

Les coproduits de la viande

La filière viande en Bretagne génère plus de 487 000 tonnes principalement valorisées en petfood (50%), alimentation humaine (15%), engrais et amendement organique (11%) et équarissage (10%). Les coproduits générés en biotechnologies vont en valorisation de masse, en petfood et alimentation animale, et, avec une valeur ajoutée supérieure, en additifs pour améliorer les propriétés fonctionnelles et nutritionnelles.

Les freins à la valorisation des coproduits

Si la valorisation des coproduits se développe sous l’impulsion des réglementations, elle peut parfois être freinée par l’organisation des entreprises de transformation. Car le traitement des coproduits n’est plus celui de simples déchets et suppose le développement de nouvelles compétences. Les expertises peuvent alors différer de celles du métier initial et déboucher sur des marchés nouveaux, voire entraîner une modification du cœur de métier de l’entreprise si la valeur générée par le coproduit devient plus forte que celle générée par le métier historique de l’entreprise.

Le modèle économique de la valorisation des coproduits

La disponibilité des ressources et, en particulier, leur dispersion géographique, la taille des gisements, leur variété, leur saisonnalité et la durée de l’accès à la ressource, sont également essentiels. La raréfaction du crabe vert qui rend son coût trop élevé en est un exemple. L’étude du modèle économique implique l’analyse du prétraitement, du stockage et des investissements nécessaires, au regard des débouchés et de leur valeur ajoutée. Stéphanie Guillotin conseille de vérifier la faisabilité économique du développement de coproduits et de leur molécule, au regard du marché estimé, auprès de potentiels clients. Anne Roche, productrice de safran à Pouldreuzic, témoigne de sa réflexion quant à l’utilisation des pétales, seuls les pistils étant utilisés pour être transformés en épices. Bien que les pétales intéressent la cosmétique en France (bio et local), leur conservation nécessiterait l’investissement dans un séchoir à plantes de grande dimension, car les récoltes sont quotidiennes. L’idée reste en suspens, à ce jour, compte tenu de la logistique nécessaire…

*Biotech & Santé Bretagne est issu de la fusion d’ID2 santé et de CBB Capbiotek. Il accompagne des projets innovants auprès des entreprises, des chercheurs et des cliniciens et est agréé Crédit Impôt Recherche (CIR), en soutien à la R&D des entreprises. Il intègre toute la chaîne de valeur, de la recherche fondamentale jusqu’au marché.

*Le LUBEM mène de nombreux travaux de recherche, avec Vegenov, ONIRIS ou l’INRAE et accompagne la R&D des entreprises. A titre d’exemple, les recherches sur les cultures bioprotectrices de la crème fraîche, ont impliqué des tests de vieillissement et de l’analyse sensorielle.

Cet atelier innov’agro était organisé par la Technopole Quimper Cornouaille et financé par Quimper Cornouaille Développement, au titre de ialys. Le prochain et dernier atelier de l’année 2020 aura pour thème : Les technologies pour la qualité et la sécurité alimentaires, le 17 novembre, avec CEA Tech  et Adria.

Rédaction : Dominique Pennec / Quimper Cornouaille Développement. Merci à Fabien Le Bleis / Technopole Quimper Cornouaille ! Photos : Quimper Cornouaille Développement (Frédérique Huet, Dominique Pennec) et OpenClipart-Vectors  et Yung-pin Pao de Pixabay.

 

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