Co-création et communautés d’innovation : cultiver son jardin !

Publié le 17/10/2018 | Recherche & Développement

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Parce que plus des deux tiers des produits nouveaux sont retirés des linéaires, avant leur premier anniversaire, parce que ces échecs ont un coût élevé pour les entreprises, mais parce que l’innovation est obligatoire dans un monde changeant, il est nécessaire que le processus d’innovation puisse s’extraire des schémas de pensée traditionnels et s’ouvre à l’inconnu pour créer ! La co-création avec les communautés d’innovation répond à cette nécessité et permet d’explorer dans toutes les directions.

Telle était la thématique de la conférence organisée par la Technopole Quimper Cornouaille jeudi 4 octobre et qui a attiré 90 personnes. Benoît Sarrazin, consultant en innovation, a traité plus particulièrement de l’utilité des communautés d’innovation dans les différentes phases de développement de produits, appuyé par des témoignages d’entreprises… Car il n’y a pas une seule communauté d’innovation, mais plusieurs : certaines internes à l’entreprise, d’autres, externes. Et elles ne se gèrent pas de manière identique…

Animer une communauté virtuelle tel un jardinier

De manière générale, la communauté externe est virtuelle, Elle est une ressource très puissante pour innover, à condition que le manager de l’innovation s’adapte, car la communauté ne se dirige pas et ne se commande pas. Elle s’est d’ailleurs peut-être déjà créée seule sans lui ! A titre d’exemple, le seul caractère iconique et identitaire de la marque Hénaff, qui a une communauté de 168000 fans sur facebook, a fait émerger spontanément des communautés en gastronomie-restauration, dans l’art, dans les instruments de musique… sans intervention de l’entreprise. Mais une communauté peut tout autant disparaître, car elle est anarchique et, plus elle se développe, plus il y a risques de divergences en son sein.

Cette communauté, bien que virtuelle, a néanmoins besoin de rencontres physiques. Et, comme elle est au service de la communauté plus globale de l’innovation dans l’entreprise, ça peut être l’occasion profitable de les réunir. A l’image de la Garden Pâté Hénaff organisée chaque année fin août !

Ce « recrutement » hors de l’entreprise, pose la question de la confidentialité. L’entreprise ne peut pas garder le secret sur tout et doit donner accès à des informations ou expertises. Mais, dès lors qu’une idée devient un projet, elle doit sortir de la communauté… pour des questions de formalisation incompatible avec l’état d’esprit totalement informel de ce premier niveau de co-création, mais également pour ces questions de confidentialité.

Le manager de l’innovation, s’il accompagne une communauté doit le faire sans ingérence, adopter l’attitude du jardinier, avec respect et écoute des connaissances. Il peut ensuite l’encourager, en lui apportant des moyens, et proposer des challenges, car la communauté virtuelle aime jouer, sans oublier que celui qui participe le fait pour une reconnaissance, une image. Néanmoins, si on ne peut contrôler une communauté d’innovation, on peut accompagner certaines branches qui intéressent plus que d’autres.

Créer, développer un nouveau produit avec sa communauté

Pour développer, créer un nouveau produit, il faut être à l’écoute des « lead users », qui sont spontanément reconnus comme tels par une communauté. Grâce à eux, en leur apportant des réponses à leurs besoins spécifiques, en leur donnant des informations exclusives, une entreprise peut créer, développer ou enrichir des produits… Mais elle peut aussi identifier le produit innovant inutile et éviter des échecs !

Et, lors de la mise sur le marché, les consommateurs enthousiastes de la communauté, qui ont participé à créer le nouveau produit, sont susceptibles d’en devenir des ambassadeurs. Ils sont d’autant plus importants qu’ils répondront présents, pour appuyer l’entreprise, face à l’éventuelle arrivée de produits concurrents. Pour soutenir ce travail de la communauté, on peut soutenir leur effort d’animation, financer des community managers, mais toujours leur laisser la liberté d’expression.

Caroline Guivarc’h directrice de la recherche marketing développement chez Hénaff a témoigné de la création d’un produit réalisé par la communauté : le pâté Hénaff ail et fines herbes, qui a été un succès sur le marché, et avait été choisi parmi quatre recettes soumises à la communauté, puis finalisées et améliorées lors de tests consommateurs réalisés à la boutique de Pouldreuzic !

Décloisonner les expertises

Le deuxième niveau de la co-création vise à décloisonner les expertises en interne, mais également à mieux intégrer le digital et à favoriser la transversalité. La communauté peut alors faire collaborer des experts qui ne se rencontrent pas habituellement. Cette communauté interne demande un effort d’animation et une mobilisation différents de la communauté virtuelle externe, le décloisonnement en étant majeur. L’animation devient alors du coaching pour faciliter la collaboration.

Loïz Fily, co-fondateur de Pen Ar Box, a expliqué le niveau d’implication de leurs communautés dans la co-création. Via l’interaction avec ses clients, la société a créé des t-shirts, puis sa propre gamme de produits bretons sucrés. A ce stade, Olivier Belin chef étoilé de l’Auberge des Glazicks, est venu apporter son expertise et les nouvelles recettes créées ont alors été soumises à une communauté de 100 personnes.  Le community management est ici internalisé. Et Pen Ar box intègre la co-création, avec ses clients, très en amont dans son processus d’innovation. Elle la complète par l’analyse de la satisfaction des clients au travers de questionnaires.

La co-création par les usages

La co-création étant la base de la mission du centre culinaire contemporain, c’est en toute logique qu’Audrey Potin, sa directrice, a rappelé leur rôle de conseil en innovation par les usages et en co-création culinaire avec des experts. Leur méthode s’appuie sur un décryptage des pratiques des consommateurs, notamment par observation, pour constituer un socle de connaissances communes. Y travaille un collectif d’acteurs internes à l’entreprise allant de l’approvisionnement à la vente et d’acteurs externes : consommateurs, experts culinaires et experts thématiques.

Intégrer l’agilité de start ups

La co-création peut aussi se faire en s’associant avec des startups du domaine digital, et ce, de la production à la distribution. Il en existe 5000 aujourd’hui dans le monde. Co-créer avec une start up permet de se poser les bonnes questions, d’adopter un état d’esprit adéquat, c’est-à-dire rapide, d’avoir confiance et d’appréhender l’écosystème startup. Manon Cozannet, chargée de mission French Tech + à la Technopole Quimper Cornouaille a listé les différentes méthodes : prise de participation, incubateur, partenariats, coaching ou intrapreneuriat.

Un exemple récent du coaching est le concours Even’up de la coopérative Even, lancé auprès de start ups. Ce concours avait pour objectif de favoriser le partage d’expériences entre l’interne et des experts externes sur la nutrition, la distribution, le technique industriel et agricole. Une mobilisation interne pour faire adhérer a été nécessaire. Even bénéficie de cet apport de créativité et les start ups, de la force de la distribution d’Even et donc de l’accès au marché. Sur les 40 candidatures, cinq ont été retenues. Deux d’entre elles, dans la gestion de l’alimentation, travaillent désormais ensemble : Fly menu qui fait les courses à partir d’un menu sur marmiton et Cook&Be, qui conseille nutritionnellement sur la confection de menus équilibrés selon les divers régimes.

Retrouvez sur youtube les enregistrements vidéo des interventions et leurs diaporamas : la conférence de Benoît Sarrazinla présentation de la foodtech, par Manon Cozannet de la Technopole Quimper Cornouaille/French Tech+, la table-ronde des entreprises et la conclusion par Rémi Mer, journaliste.

Organisé, chaque année par la Technopole Quimper Cornouaille avec Quimper Cornouaille Développement, et en partenariat avec Valorial, la CCIMBO et l’Adria, cet événement, destiné en priorité aux entreprises agroalimentaires, porte sur les tendances, qu’elle soient de consommation ou, plus généralement, d’innovation dans les entreprises. Avec ialys, c’est toute la filière aliment qui s’y retrouve : artisans des métiers de bouche, mareyeurs, restaurateurs, agriculteurs, acteurs de la recherche, organismes de formations, mais aussi décideurs et animateurs du développement économique de la Cornouaille !

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