Empreinte environnementale des produits

Publié le 17/11/2020 | Alimentation durable

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900 personnes des domaines de la recherche, des entreprises, des services, des administrations… ont participé en visio fin septembre à un colloque, organisé par l’ADEME et l’INRAE sur leur base de données Agribalyse. En ligne depuis 2013, et en accès libre, cette base est un outil dédié à l’impact écologique de l’alimentation. Elle a pour vocation de répondre aux besoins d’une consommation plus durable et d’accompagner vers l’éco-conception en prévision de l’affichage environnemental souhaité pour 2024 par la commission européenne. Destinée aux professionnels de l’agriculture et de l’agroalimentaire, y compris les petites entreprises, elle est également accessible aux consommateurs.

Le colloque était consacré aux nouveautés et aux perspectives d’évolution d’Agribalyse. Scientifiques et experts de l’éco conception, de l’affichage environnemental et de la transition écologique ont expliqué l’intérêt et les limites de la base, pour les entreprises. Un focus a été fait sur l’analyse du cycle de vie (ACV) en agriculture bio.

Que propose Agribalyse ?

Agribalyse fournit une référence de l’impact environnemental de la vie d’un produit, depuis les matières premières jusqu’aux déchets, incluant tous les flux de matières ou d’énergie. Elle combine les informations et permet alors d’évaluer les gains environnementaux des changements envisagés. Sur la base d’un scénario de référence sont identifiés là où se situent les enjeux majeurs, ce qui permet de définir des pistes d’amélioration et de privilégier une action : emballage, logistique ou autre ? Et permet de vérifier les a priori ! La base est utile à ceux qui ne peuvent faire eux-mêmes l’analyse de cycle de vie de leurs produits, faute de temps ou de compétences.

Initialement engagée sur les systèmes agricoles, elle propose 250 produits agricoles, qui, avec les déclinaisons de type label rouge, bio… représentent 1000 références. En revanche, les 2500 produits agroalimentaires sont des moyennes et n’ont pas de déclinaisons. Un choix a dû être fait afin de pouvoir comparer et éco-concevoir les produits.

Indicateurs environnementaux

Pour chacune des références, sont chiffrés 14 indicateurs environnementaux, depuis le champ jusqu’au consommateur : eau, air, eutrophisation, etc. Pour les références agroalimentaires, l’étape agricole est prépondérante, mais la conservation ou les ingrédients, par exemple, impactent le bilan environnemental final.

En termes de logistique, la prise en compte est simplifiée. Pour ce qui concerne un produit importé, le transport du pays d’origine est évalué à partir du milieu du pays, en camion, vers le port, puis à nouveau par camion. En revanche, le transport du consommateur lui-même à partir du distributeur n’est pas inclus car trop compliqué à modéliser.

Et la nutrition ?

En ce qui concerne les consommateurs, la question du régime alimentaire, au-delà des seuls aliments, reste posée. Si la base permet d’accéder et de faire un rapprochement avec l’analyse nutritionnelle, comme le nombre de calories, par exemple, en revanche, elle ne fournit pas de données nutritionnelles. C’est pourquoi, il reste préconisé, d‘afficher les deux. L’objectif reste néanmoins de progresser vers des recommandations alimentaires « durables » qui intègrent les dimensions nutritionnelles et environnementales.

Des exemples : pizza, élevage porcin et restauration collective

Tous les produits composant la pizza sont analysés : blé, farine, tomates, fromage, huile d’olive, emballage, cuisson… Le bilan environnemental, complété de l’analyse des cycles de vie, permettra alors d’étudier l’impact d’une boîte plus petite, par exemple. En ce qui concerne la provenance des denrées, il s’agit de données moyennes en France, qui intègrent des tomates françaises et importées ; la base de données permet néanmoins de sélectionner des tomates uniquement françaises.

L’IFIP, centre de recherche spécialisé sur le porc, a témoigné de l’intérêt de cette base pour les éleveurs dans le but d’améliorer l’empreinte environnemental de leurs élevages. Loin d’être une préoccupation supplémentaire, l’outil leur apporte une dimension technique utile à leur métier, avec une forte corrélation entre performance environnementale et économies.

Des entreprises de la restauration collective font d’ores et déjà l’expérience de l’affichage environnemental, sur la base d’indicateurs lisibles pour les convives. Une phase d’appropriation est nécessaire et implique la formation du personnel et l’acculturation des équipes.

Les améliorations nécessaires

Agribalyse se doit d’être en amélioration continue, pour intégrer les impacts majeurs que sont la biodiversité, le carbone ou la dynamique des éco-systèmes… En ce qui concerne le stockage du carbone, qui dépend des systèmes de cultures et de leur dynamique dans le temps, son analyse est complexe. C’est pourquoi il est partiellement pris en compte dans l’analyse du cycle de vie, à l’image d’un comparatif entre des vaches qui paissent à l’herbe et l’élevage intensif. Des recherches sont en cours sur l’impact des pesticides et celui sur la biodiversité, qui n’est aujourd’hui intégré qu’à l’ACV bio. Les études sur le carbone devraient aboutir plus tôt que celles de la biodiversité. D’ici là, les incertitudes qui y sont liées sont précisées dans la base de données.

A titre d’exemple, le sucre peut aujourd’hui adapter son bilan environnemental en tenant compte du conditionnement, mais il lui manque encore le travail du sol, de l’agriculteur, avec le processus de fabrication comme les rotations par exemple, les résidus, etc.

L’ACV bio : modèle et handicap

Financés par l’ADEME, les travaux ACV bio ont pour objectifs d’alimenter Agribalyse avec des données environnementales affinées. Considérant que l’agroécologie doit devenir le standard de demain, Agribalyse suit cette tendance de consommation et de production (sur l’agroécologie lire le dossier sur les transitions agricoles et alimentaires). Mais, si les produits agricoles sont bien référencés, tout reste à créer en transformation. Les données permettent de comparer les différentes formes de bio, notamment selon leur provenance, sachant qu’aujourd’hui 33% des produits bio, en France, sont issus de l’importation. D’autant plus, comme l’a indiqué un acteur de la grande distribution que le niveau de culture sur le bio monte chez les consommateurs, qui sont attentifs aux engagements telle la production en serres chauffées ou le produit français.

En ce qui concerne la comparaison avec le conventionnel, un travail spécifique sur le bio est nécessaire, car, de par ses calculs basés sur des quantités produites, l’ACV favorise l’agriculture conventionnelle dont les rendements sont plus élevés. D’où les travaux en cours sur des mesures qui ne se baseraient plus uniquement sur des quantités de produits en poids, mais aussi sur des surfaces. De plus, le bio influant positivement sur d’autres critères, tels que la biodiversité, la qualité des sols, les pesticides, la déforestation… il existe un déséquilibre.

L’agriculture multi-fonctionnelle

Des études spécifiques sont menées sur différents systèmes en bio, en prenant en compte diverses rotations des cultures, pour aboutir à des données qui ne soient donc pas des moyennes ! Sont étudiés les gaz à effet de serre, l’ammoniac, l’écotoxicité, l’eutrophisation (composés phosphorés), les eaux marines (azote), la composition des terres, la perte de biodiversité, les pertes de fossiles et minérales et la baisse de la demande en énergie… Nombre de critères doivent être mieux pris en compte, telle la faune pour compléter celle de la flore, ou les pesticides et l’obésité qui sont des enjeux de santé publique.

En termes de régime alimentaire, un consommateur, s’il utilise plus de produits bio, doit modifier son régime alimentaire pour éviter l’augmentation de la quantité de surfaces nécessaires. Il doit donc remplacer les produits à plus fort bilan environnemental, par des légumineuses, par exemple. Enfin, manquent aussi les critères sociaux et les questions de monoculture vs polyculture sur les territoires. Ce dernier critère vient alimenter, au-delà de la question du bio, la dimension territoriale et, à ce titre, la multi-fonctionnalité de l’agriculture qui ne fait pas que produire.

Compte tenu des données disponibles à ce jour, il convient de ne pas se limiter à l’ACV si d’autres indicateurs sont plus utiles ou manquent : bio, extensif, herbager… A ce titre, des projets sont menés, par ailleurs, sur la filière viande et ses labels AOP/AOC, et leurs impacts sur l’évaluation environnementale, pour prendre du recul à l’échelle des territoires et des régimes alimentaires et pour aller au-delà de la seule assiette.

Retrouvez les présentations des experts du colloque en ligne sur le site d’Agribalyse.

Rédaction Dominique Pennec/Quimper Cornouaille Développement, images par Ronan Marcel Quimper Cornouaille Développement, Free-Photos ,  Wolfgang Ehrecke de Pixabay

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